vendredi 8 février 2008

Profil de la Calédonie





A la demande de notre cher "Plume-Rousse", québécois et assidu lecteur de notre blog, je vais tenter de vous dresser un portrait de la Nouvelle Calédonie, que j'espère proche de la réalité.

Nous, qui n’avions pas mis les pieds en Calédonie depuis 6 ans, nous avons vu une explosion à la fois urbaine, « industrielle » et territoriale, aménagements routiers : sens giratoires. La ville s’est dotée de nombreux parcs de jeux pour enfants très bien aménagés (je ne connais pas de ville en ayant autant en France), de nombreux aménagements et parcours sportifs existent aussi.


En ce qui concerne l'emploi, on peut en faire une analyse par ethnie :


- les Kanaks (ou mélanésiens) sont les plus nombreux mais les moins riches et les moins intégrés dans le monde du travail : question de culture (ils bossent en fonction de leurs besoins). Pour la plupart, malheureusement, on ne peut compter sur eux, ils viennent travailler 1 semaine ou 2 et puis sans prévenir ne viennent pas et réapparaissent plus tard.
Mais il y a une élite qui a suivi des études en France et qui occupent plutôt des postes politiques au niveau des Provinces. Actuellement il y a une volonté de formation des mélanésiens pour qu’ils puissent accéder en priorité à des postes. Les mélanésiens qui veulent travailler vivent sur Nouméa et beaucoup dans des squats (zones arborées où ils construisent des cases ou cabanes), ils travaillent dans les emplois de service (femmes de ménage, nourrices.. ) ou dans le bâtiment, les mines ou les travaux publics, transport routier. Beaucoup sur Nouméa végétent. En tribu, on n’a pas ce sentiment : ils pêchent pour se nourrir et cultivent la base de leur alimentation (ignames, tarots, patates douces, papaye ….)
Mais aujourd’hui, nous avons observé le contraire de la description que je viens de faire : invités par Manu(ella), collègue de Nelly à la Polyclinique, nous avons déjeuné dans un restaurant (qui tourne à 360° au dessus de l’Anse Vata) et tout le personnel était mélanésien et franchement ils avaient de la classe !

- les Calédoniens (blancs, qu'on surnomme Caldoches) : ceux qui sont nés sur le caillou et ceux qui descendent d’anciennes familles de bagnards, ou de colons : ils occupent un peu tous les postes en fonction de leurs formation mais beaucoup travaillent dans l’agriculture (élevages) ou fondateurs de grosses sociétés. Certains ont construit des empires financiers familiaux et occupent des postes politiques et se déclarent eux même soucieux de leur compte en banque.

- les Métropolitains (Jérôme et Nelly en font partie) qu’ils y soient installés ou de passage, sont surtout des fonctionnaires (profs, médecins, chercheurs, ingénieurs, bref beaucoup d’emplois de bureaucratie), beaucoup repartent après leur mission de 3 ou 5 ans. Un certain nombre de métros travaillent aussi dans les mines au niveau cadres et ingénieurs, et des jeunes qui arrivent et montent de petites sociétés ou travaillent dans l’informatique et le loisir.. Pas mal y restent pour le cadre de vie. C'est pourquoi il y a beaucoup de retraités. Il faut savoir aussi que les retraités fonctionnaires qui vivent au moins 6 mois sur le caillou touchent une retraite majorée de 75% de la part de l'Etat Français (un privilège honteux !!)

- Les Wallisiens : plus nombreux en Calédonie qu’à Wallis. Ce sont des bosseurs (jalousés par les mélanésiens), ils occupent des emplois de commerce, restauration, mais beaucoup dans la sécurité à cause de leur carrure et dans le bâtiment.

- Les Asiatiques assez nombreux et surtout dans les commerces : habillement, restauration. Ils sont aussi maraîchers. Ils mènent le commerce sur Nouméa. Ils forment un clan mais se sont bien intégrés.

- Les étrangers : Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais … travaillent à des postes d’ingénieurs dans les sociétés de nickel.

Nouméa est une ville riche, l’opulence se voit dans les maisons et les immeubles.

Le seul journal de Calédonie : Les nouvelles calédoniennes en dehors d’un journal satyrique : le Chien Bleu

Le préoccupations des néo-calédoniens : le devenir du caillou avec le vote en 2014 qui décidera de l’indépendance ou de rester sous le giron de la France.

Il y a déjà une préparation à tout cela : le territoire se prépare à un transfert des compétences c'est-à-dire à ne plus employer de fonctionnaires de l’Etat, mais à transférer ces savoirs aux locaux. Les revendications se précisent dans cette voie.

Mais la plaie de la Calédonie, ce sont :

- les syndicats qui revendiquent à tout bout de champ mais surtout avec violence : USTKE, USOENC, CSTNC …et paralysent le pays très très souvent par des barrages aux points stratégiques ! Leurs revendications ne sont même pas compréhensibles pour nous européens car cela peut être pour le motif de faire ré-embaucher un ouvrier qui a pris dans la caisse et a été licencié un an auparavant.

- l’alcool et la drogue (beaucoup plus chez les mélanésiens) qui entraînent les nombreux accidents routiers et la violence conjugale, familiale ou tribale. Les chefs coutumiers autrefois respectés n’arrivent plus à régler ces problèmes : c’est comme dans toutes nos sociétés mais ici le pays étant petit cela prend plus de proportions.

- La délinquance des jeunes avec des caillassages, dégradations (1 école est vandalisée toutes les semaines par des jeunes de 5 à 16 ans)

Nouméa est la 3ème ville, métropole comprise, où la ville est dotée de 150 policiers municipaux.

Il ne faut pas diaboliser quand même.

La Nouvelle Calédonie est une île bien agréable à vivre. Les calédoniens sont sympathiques.
Je ne vous ai pas parlé des îles Loyautés qui sont paradisiaques. Le Tourisme n'est pas aussi développé qu'on pourrait l'imaginer et c'est peut-être cette authenticité que l'on apprécie ici. Les touristes sont des australiens ou néo-zélandais de passage souvent par les bateaux de croisière, des japonais moins nombreux que les années précédentes et surtout des français,comme nous, qui ont de la famille sur le caillou.

Les préoccupations des néo-calédoniens sont surtout celles du travail et de l’avenir du caillou.

En ce qui concerne les changements climatiques, peu se sentent concernés. Il n’y a déjà pas de tri sélectif, ni de recyclage, les ordures s’entassent sur un terrain à l’Est de la ville, près de la zone industrielle. Les habitants achètent de plus en plus de 4x4 alors qu’il y a de moins en moins de pistes. L’eau ne semble pas manquer, cela sera une préoccupation à prendre en compte dans les années futures, vu l’explosion démographique, mais nous avons vécu dans des gîtes et des campings où la consommation d’eau (consommation arbitraire, fuites…) ne gênait personne. Vu la chaleur ici en été, chacun peut prendre 2 à 3 douches par jour minimum, et là ce n'est pas du gaspillage croyez-moi !!

Pourtant une partie du récif calédonien est en cours d’étude de classement auprès de l’Unesco, c’est donc signe qu’une frange de la population se bat pour une préservation de la nature et les kanaks en particulier, proches de celle-ci, se battent contre les dégradations et la pollution qu’engendrent ces nouvelles usines de Nickel (projet Goro au Sud et Koniambo au Nord) du profit desquelles ils se sentent exclus.


Cléo la journaliste improvisée


3 commentaires:

Unknown a dit…

Dundee, Québec, 8h32
Un immense merci à Claudine, reporter en direct, pour cet exposé exhaustif et vivant, en réponse à mes peut-être fastidieuses questions. On ne trouverait rien de tel dans les livres.
Au fond, si j'ai bien compris, la Nouvelle-Calédonie évolue dans le sens d'une indépendance virtuelle sans déchirement politique; un peu comme l'a fait le Québec depuis trente ans dans le Canada: plus grande prise en mains des "autochtones" dans la mesure de leurs compétences, lois protectrices des spécificités sociales. Mais les Caldoches sont-ils prêts à lâcher du lest? à abandonner cet esprit un tantinet méprisant souvent constaté par moi au Maroc, chez les coloniaux (maghreb, afrique ) vis à vis des autochtones ( et ici par rapport aux Indiens) même et y compris vis à vis des "macaques" cultivés dans les universités occidentales? Je pose innocemment la question.

Cela veut-il aussi dire que d'ici 2014 et au delà, la Nouvelle-Calédonie va inexorablement se "mélaniser" et quelque peu "marginaliser" les Caldoches et autres Métropolitains?
Quelle sera alors la possibilité pour les métros encore actifs (je ne parle ni des retraités ni des millionnaires)d'aller vivre là-bas comme chez eux plus que cinq ou six ans? Autrement dit, à long terme, la Nouvelle-Calédonie est-elle un avenir pour des occidentaux qui veulent y faire leur vie?
Autre naïve question.

J'ai bien conscience que la structure actuelle du Gros Caillou doit beaucoup à l'Occident, presque tout de ce qu'on appelle, nous autres, la civilisation. Le problème sera toujours de savoir au nom de quoi, on impose cette civilisation ( religion, démocratie, technologie)à des habitants qui vivent sur des terres depuis des millénaires selon des modes que nous jugeons primitifs...de quel droit?
Ici Français et Anglais ont fait la même chose avec les Mohawks et les Algonquins. Il faut voir de près à quoi on les a "réduits"sous le prétexte qu'ils n'adoptent pas notre façon de vivre et que leur culture est aux antipodes de la nôtre.
Mais là c'est un immense sujet barbant dont on ne discute que dans les congrès de sociologie et avec lequel je m'en voudrais d'importuner votre béatitude paradisiaque arrosée de Niouli.

Des fois je vous envie de loin et des fois je trouve l'hiver pas mal beau aussi
Chacun ses beautés.
Demain nous allons avec Esteban le Grand, pêcher le poulamon sous la glace épaisse, dans la rivière Sainte-Anne. On annonce un max autour du zéro. Pour les Inuktituks que nous sommes, c'est la grosse chaleur.

Sur ce, je vous embrasse "urbi et orbi" vous et tous les fréquenteurs assidus du blog marsupial
Plume Rousse

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Vimy en Gohelle a dit…

Bravo à la journaliste "Cléo"
Bravo pour les photos des reportages précédents.
Bernard